Dans le département de la Loire

orgue découvert à l'occasion du stage de Montbrison - Août 2017

Merci Christiane de nous faire partager cet instrument

Merci aussi à Denis, qui a vraiment beaucoup de compétences, un passionné quoi ...

1/1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un orgue pour Boën

Aux origines ….

Très peu de choses nous sont parvenues sur la prĂ©sence d’un instrument de musique en l’église de BoĂ«n. Il est très peu probable que l’ancienne Ă©glise ait disposĂ© d’un orgue :  l’usage en Ă©tant interdit du fait du rite Lyonnais qui proscrivait tout instrument de musique dans les Ă©glises de l’archidiocèse jusqu’au dĂ©but du XIXème siècle ( ceux-ci Ă©taient sensĂ©s dĂ©tourner les paroissiens de la prière … il faut rappeler aussi que les Saints martyrs lyonnais auraient Ă©tĂ© suppliciĂ©s dans les arènes de Lugdunum au son d’un orgue …)

Construite au dĂ©but des annĂ©es 1880, la nouvelle Ă©glise est consacrĂ©e en dĂ©cembre 1884 et  dĂ©diĂ©e Ă  la NativitĂ© de Saint Jean-Baptiste. Comme de nombreuses Ă©glises de son Ă©poque, celle-ci est envisagĂ©e avec de grandes dimensions pour accueillir une large assemblĂ©e de fidèles. Elle comprend nombre de sculptures et de vitraux comme autant de livres de catĂ©chismes pour Ă©lever tout un chacun dans la Foi par le biais de l’art, au delĂ  de la barrière de la lecture encore peu dĂ©mocratisĂ©e dans les milieux ruraux. Mais les moyens dĂ©diĂ©s Ă  la construction de l’édifice manqueront et la majoritĂ© des chapiteaux des piliers ne seront pas sculptĂ©s.

Comme de nombreuses paroisses au XIXème siècle, c’est vers le choix de l’harmonium de les prêtres de Boën se tourneront pour accompagner les office : Un bel et imposant instrument d’un clavier et une dizaine de jeux, mais équipé de tuyaux d’orgue postiches en bois histoire de lui donner un peu plus de prestige visuel !

Le premier orgue :

Il faudra attendre l’année 1935 pour qu’un premier orgue soit installé dans le chœur de notre église. C’est la firme lyonnaise Michel Merklin et Kuhn qui construit alors l’instrument. Celui-ci, comme de nombreuses orgues de la région construits à cette époque, est un instrument de série, fabriqué de façon quasi industriel, principalement voué à l’accompagnement, et choisi sur catalogue. Il comprend alors deux claviers de 56 notes et un pédalier de 32 notes avec 402 tuyaux répartis sur 13 jeux ( certains tuyaux étant repris d’un clavier à l’autre ou d’une octave à l’autre pour permettre quelques combinaisons supplémentaires ). L’instrument possède deux boites expressives, système de volets installés sur l’orgue, qui, à l’aide de deux pédales spécifiques, permettent à l’organiste de doser la force de l’instrument en enfermant les tuyaux dans la boite ou en libérant le son . Comme nombre d’instrument de cette époque dite post symphonique, la sonorité des tuyaux est très ronde et un peu sombre ( la composition étant basée sur un grand nombre de jeux graves )

L’ensemble de cet instrument fonctionne par le biais d’un système de traction pneumatique tubulaire, en vogue Ă  l’époque ( et complètement abandonnĂ©e quelques annĂ©es plus tard ) : quand l’organiste appuie sur une touche, de l’air sous pression est envoyĂ© Ă  travers une longue tubulure en plomb vers un petit soufflet, lequel actionne un piston qui permet Ă  d’autres petit soufflet de s’écraser pour laisser passer l’air dans les tuyaux … : une vĂ©ritable usine Ă  gaz !!! ( les tuyaux de plomb utilisĂ©s Ă  l’époque Ă©tant les mĂŞmes qui Ă©taient utilisĂ©s pour l’éclairage au gaz domestique !) . Comme tous les instruments construits avec ce système, la rĂ©activitĂ© de la traction est faible et peu prĂ©cise …  

La composition de l’orgue est alors la suivante :

​

​

​

​

​

​

​

​

​

 

La restauration …

Comme souvent avec le système tubulaire, les petits soufflets aussi appelĂ©s membranes, arrivent en fin de vie assez rapidement ( selon la qualitĂ© des peaux de mouton qui les composent, entre 30 et 50 ans ), et il faut songer dès les annĂ©es 1970 Ă  une restauration de l’instrument . Comme cela se faisait Ă  cette Ă©poque,  on profite de l’occasion pour mettre l’orgue au goĂ»t du jour. Ce sont les successeurs de l’entreprise Michel Merklin et Kuhn qui effectuent alors les travaux :

L’instrument est nettoyé, les tuyaux dépoussiéré, et les jeux transformés ou remplacés pour obtenir des sonorités plus en adéquation avec le temps : on redécouvre alors la sonorité des orgues classiques, beaucoup plus brillants et colorés, et on cherche à transformer les orgues existants pour leur donner cette couleur … ou du moins tenter de s’en rapprocher …

La tuyauterie de l’orgue de BoĂ«n en fait les frais : La gambe 8’ du rĂ©cit est recoupĂ©e de moitiĂ© pour en faire un « Prestant 4’ », la voix cĂ©leste quand Ă  elle est recoupĂ©e et dĂ©calĂ©e pour ĂŞtre transformĂ©e en « flĂ»te 2’ » ( sans première octave … ! ) et le hautbois cède la place Ă  une Cymbale  de piètre facture … Seuls quelques jeux Ă©chappent aux coups de cisaille …

 

Voici alors sa nouvelle composition :

​

Le poids des années ….

Si la restauration des années 1970 a permis de redonner un nouveau départ à l’orgue, elle n’a hélas pas été poussée en profondeur : certaines peaux n’ont pas été changées, et avec le temps, certains tubes de plomb commencent à casser et se corroder … Le fonctionnement de l’orgue est aléatoire et dépend pour beaucoup de la chaleur et de l’humidité de l’église . Il est quasi muet au début des années 1990. Les élèves venu du stage d’orgue voisin de Montbrison viennent alors à l’église de Boën pour jouer un instrument de location installé pour l’occasion, faute de ne pouvoir utiliser l’orgue de l’église dont certaines notes sont muettes, et d’autres jouent en permanence ... Grâce à l’impulsion donnée par la création de l’association des amis des orgues, l’instrument est alors pris en charge par le facteur lyonnais Michel Jurine qui le remet en fonctionnement et pâlie aux mieux aux différentes pannes . Grâce à un entretien annuel, et dans les limites des moyens qui lui sont alloués, il tente d’en maintenir au mieux le fonctionnement en dépit des problèmes de la traction et du vieillissement des matériaux .

Vers un choix décisif ...

Mais le poids des années est là, et malgré tous les soins apportés, l’orgue de Boën reste injouable pendant les sécheresses estivales malgré les dizaines d’arrosoirs et les bassines d’eau remplies avec abnégation par les organistes pour faire remonter l’hygrométrie et tenter de le faire fonctionner.

Le reste de l’année, les organistes doivent arriver un bon moment avant chaque messe pour vérifier ce qui fonctionne …

La paroisse et l’association ne disposant que de peu de moyens financiers, les perspectives pour l’avenir ne sont pas encourageantes :

  • la restauration de l’orgue existant semble peu envisageable financièrement, et ne donnerait pas de rĂ©elle satisfactions musicales pour envisager des concerts (d’autant que la durabilitĂ© des membranes est aujourd’hui plus faible qu’autrefois du fait des peaux attaquĂ©es par la pollution )

  • il n’est pas envisageable de faire construire un orgue neuf ( il faut compter au minimum 15 000 € par jeu, et pour une Ă©glise comme la nĂ´tre, il en aurait fallu au moins une dizaine ...)

  • l’acquisition d’un instrument Ă©lectronique serait un pis-aller, mais qui ne durerait que le temps de vie de ses composants ( 10 Ă  20 ans maximum quand les orgues Ă  tuyaux les plus anciens datent du quinzième siècle … ! )

Pour faciliter l’accord et l’entretien de l’instrument, l’association fait appel à un jeune facteur récemment installé près de Feurs, Denis Marconnet, qui, à regret, fait les mêmes constats que son confrère sur l’état de l’instrument. Il propose cependant une solution alternative jamais encore envisagée par l’association : l’achat d’un orgue d’occasion :

Du fait des moyens biens supérieurs alloués dans le remplacements des instruments, mais également du regroupement de nombre d’églises protestantes qui fusionnent en un même lieu de culte, nos voisins allemands mettent en vente des orgues complets, parfois assez récents et en bon état, et à des prix très compétitifs par rapport à la construction d’un orgue neuf … Encore faut-il trouver la bonne occasion pour que l’instrument s’intègre au mieux dans l’église tant sur le plan acoustique qu’architectural … et qu’il soit dans les moyens de l’association …

La bonne occasion … !

Grâce à des négociants ayant des sites d’annonces sur internet, Denis Marconnet fait plusieurs propositions à l’association, et réalise des photomontages pour que les paroissiens et les adhérents puissent se projeter dans la nouvelle esthétique du chœur de l’église avec les instruments proposés. C’est alors que se trouve un instrument assez important et intéressant, mais à un prix exceptionnellement bas eu-égard à sa qualité. La raison : l’instrument situé dans une église moderne transformée en structure d’accueil pour migrants, a été démonté très rapidement sans aucun plan ni photographie, et est stocké en cartons chez le négociant. L’association mandate alors son facteur qui organise rapidement un voyage pour se rendre compte de la qualité et de l’état de l’instrument : Il s’agit d’un orgue construit par le facteur Kleuker, les éléments semblent en assez bon état, même si quelques travaux de restauration ponctuels seront à envisager . La composition est un peu spéciale, mais Kleuker est connu en France pour l’originalité de ses conceptions, notamment pour l’orgue en forme de main réalisé à l’Alpe-d’Huez en collaboration avec l’organiste Jean Guillou. Une option d’achat est alors mise sur l’instrument déjà convoité par trois autres paroisses .

Il reste un point important : le financement de l’achat de l’instrument, mais aussi de son transfert et de son remontage .  Si l’association dispose de quelques fonds patiemment rassemblĂ©s depuis des annĂ©es, une grande partie arrivĂ©e de façon providentielle grâce Ă  un mĂ©cène sĂ©duit par le projet, mais qui a dĂ©sirĂ© garder l’anonymat. Les amis des orgues, Ă©galement aidĂ©s par une prise en charge de la municipalitĂ©, ont ainsi pu mener Ă  bien ce projet en quelques mois, un record quand certaines associations mettent parfois une vingtaine d’annĂ©es pour le rĂ©aliser.

Que tous les acteurs en soient chaleureusement remerciés !

Le nouvel Orgue …

Ce nouvel instrument avait Ă©tĂ© construit en 1972 par Detlef Kleuker, pour la Ellener Broke Kirche Ă©glise Ă©vangĂ©lique de laTrinitatisgemeinde Ă  BrĂŞme. Il a Ă©tĂ© remontĂ© dans l’église de BoĂ«n entre juillet et octobre 2016 par le facteur d’orgues Denis Marconnet qui l’a rĂ©-harmonisĂ©, et restaurĂ©  ( Deux facteurs allemands ayant participĂ© au dĂ©montage sont venus d’Allemagne pendant trois jours, le temps d’installer les Ă©lĂ©ments les plus volumineux de la structure ) .

Si l’on distingue surtout la quarantaine de tuyaux situĂ©s en façade, cet orgue comprend en tout 1274 tuyaux rĂ©partis en 18 jeux ou sonoritĂ©s sur deux claviers et un pĂ©dalier ( chaque clavier ayant ses propres jeux ). Le plus grand tuyau mesure plus de deux mètres , le plus petit six millimètres. Les trois plans sonores sont rĂ©partis de la manière suivante : Les tuyaux du premier clavier se situent en haut Ă  droite du buffet, les tuyaux du pĂ©dalier Ă  gauche, ceux du deuxième clavier dans la petite fenĂŞtre juste au dessus de l’organiste. La traction des notes est intĂ©gralement mĂ©canique, ce qui lui confère une grande fiabilitĂ©, une vivacitĂ© de rĂ©ponse et d’attaque,  mais Ă©galement une sensation agrĂ©able de toucher pour les musiciens. Il n’est plus tout Ă  fait dans son Ă©tat originel : modifiĂ© une première fois dans les annĂ©es 1990, certains tuyaux avaient Ă©tĂ© rendus muets, d’autres tuyaux avaient Ă©tĂ© modifiĂ©s pour mettre l’orgue au goĂ»t du jour. Denis Marconnet a rendu la voix Ă  tous ces tuyaux et a cherchĂ© Ă  adapter au mieux le timbre de l’instrument Ă  l’acoustique de notre Ă©glise. Il l’a accordĂ© l’orgue d’une façon particulière afin de donner des couleurs aux morceaux de musique en fonction de leurs tonalitĂ©s, en visant Ă  privilĂ©gier la musique de l’époque de Jean-SĂ©bastien Bach ( tempĂ©rament Bach – Lehman )